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         " L'Affaire Blaireau "


En 1895, Alphonse Allais écrit en collaboration avec Alfred Capus un vaudeville en trois actes : Innocent.  Ce vaudeville est joué pour la première fois au Théâtre des Nouveautés à Paris, le 7 février 1896.
Après accord de son co-auteur, Alphonse Allais en adapte un feuilleton quotidien qu'il publie dans Le Journal, du 6 août au 1er septembre 1898, en le titrant : L'Affaire Baliveau.
En 1899, il publie ce feuilleton en librairie aux éditions de la Revue Blanche, avec quelques variantes.  Baliveau est nommé Blaireau et Mme de Chouetteville devient Mme de Chaville.

François Caradec dans : Alphonse Allais, oeuvres posthumes aux éditions Robert Laffont, écrit :

Le sujet d' "Innocent", pièce écrite en 1895, était celui d'une erreur judiciaire. Faut-il y voir une allusion à l'affaire Dreyfus, qui avait éclaté dans la presse à la fin de l'année 1894 ? Allais ne choisit en tout cas pas au hasard le nouveau titre de son feuilleton, "L'Affaire Blaireau", en 1898. Cette année là, Emile Zola a fait paraître "J'accuse" dans "L'Aurore" du 13 janvier ; le colonel Henry est arrêté en plein feuilleton, le 30 août  ; le 3 juin 1899, le jugement de 1894 sera cassé, et le 30 juin, Alfred Dreyfus reviendra de l'île du Diable. Mais l'affaire Dreyfus ne sera pas finie pour autant quand "L'Affaire Blaireau" paraîtra chez un éditeur dreyfusiste, la "Revue Blanche" des frères Natanson.

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Alphonse Allais dédicace L'Affaire Blaireau a son ami Tristan Bernard :


QUELQUES LIGNES (1) DE L'AUTEUR
A L'ADRESSE DE TRISTAN BERNARD

Cher Tristan Bernard,

Te rappelles-tu le voyage que nous fîmes l'an dernier à pareille époque au tombeau de Chateaubriand ? (Je ne sais plus si cette visite avait le caractère d'un pèlerinage, ou si elle était le résultat d'un pari de douze déjeuners). Nous avions pris le train, selon une pieuse coutume, à la gare Montparnasse.
Le soir, sur ces entrefaites, était tombé. Je me souviens qu'au moment où nous brûlions la station de N., et où une brusque secousse nous avertit que nous passions sur le premier degré de longitude, je te parlai de mon prochain volume, avec la fièvre et l'abondance qui me caractérisent quand je suis dans une période de production. Dans mon ardeur, je m'engageai alors à te dédier ce livre, moyennant certaines conditions.
Je tiens aujourd'hui ma promesse : non sans une joie très vive, je te dédie le livre suivant, sur lequel j'attire ton attention.
Tu remarqueras d'abord que les descriptions y sont très brèves, et que l'on n'y insiste sur l'aspect général des nuages, arbres et verdures de toute sorte, sentiers, lieux boisés, cours d'eau, etc., que dans la mesure où ces détails paraissent indispensables à l'intelligence du récit. En revanche, le plus grand soin a été apporté au dessin (outline) et à la peinture (colour) des caractères. D'autre part, l'intrigue (plot) est entrecroisée avec tant de bonheur qu'on la dirait entrecroisée à la machine ; or, il n'en est rien. Quant au style (style), il est toujours noble et, grâce à des procédés de filtration nouveaux, d'une limpidité inconnue à ce jour.
Tels sont, mon cher ami, les mérites de cet ouvrage, qu'en échange de la petite gracieuseté que je te fais, tu pourras recommander, le cigare aux lèvres, avec une nonchalance autoritaire, dans les cercles, les casinos, les garden-parties et les chasses à courre.
         Cordialement à toi,
                                                              ALPHONSE ALLAIS.   


(1) Ces quelques lignes sont écrites spécialement pour Mr. Tristan Bernard ; néanmoins les autres lecteurs peuvent en prendre connaissance, elles n'ont absolument rien de confidentiel.

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L'Affaire Blaireau a été adaptée trois fois au cinéma.  En 1923, par Louis Osmont. Film muet avec André Brunot dans le rôle de Blaireau.  Avec Marcelle Duval, Anny Fleurville et Dorval.

En 1931, par le cinéaste Henry Wulschleger. L'acteur Bach interprète Blaireau.  Avec Alice Tissot et Charles Montel.

En 1957, Yves Robert (A.A.A.) adapte L'Affaire Blaireau sous le titre Ni vu, ni connu et donne le rôle de Blaireau à Louis de Funès.  Avec Pierre Mondy (A.A.A.), Claude Rich, Moustache et le chien "Fout le camp".
La première du film se fera à Paris aux cinémas "Français" et "Marignan" le 23 avril 1958.


Illustration : Blaireau vu par Claude Turier (A.A.A.)